« À la belle saison [les Faux] ressemblent à une demi-sphère s'appuyant sur le sol, cette voûte est délimitée par des feuilles très nombreuses, très serrées, appliquées l'une sur l'autre, de teinte vert foncé brillant, ne laissant rien deviner du branchage ni de ce qui se passe dessous. La hauteur n'est pas supérieure, elle est même souvent inférieure au diamètre.»
Nous avons retrouvé un bulletin de la Société Botanique de Reims du début du siècle, qui parle des Faux...
En hiver, après la chute des feuilles, (la chute n'est souvent que partielle), on ne découvre pas un tronc cylindrique et vertical comme les arbres normaux mais au contraire, ce qui sert de tronc est oblique, souvent fourchu, difforme, boursouflé, porte de grosses cicatrices, se ramifie enfin horizontalement; le tout est surmonté d'un dôme formé par des branches minces et des rameaux, appuyés, tassés l'un contre l'autre formant une trame dense, épaisse de quelques centimètres semblable aux ardoises d'un toit.
En fait, pour réaliser l'aspect d'un de ces arbres, il faut les voir, d'où l'intérêt de nos photos. En outre, tous les hêtres de cette forêt ne sont pas tortillards et pleureurs. On peut même voir Faux et hêtre poussant de conserve, les troncs soudés. Puis, le hêtre normal poussant plus vite, le Faux reprend sa liberté en poussant dans sa propre direction.
Ces arbres sont pratiquement uniques en Europe. Les spécimens que l'on retrouve en Allemagne présentent le même aspect pleureur mais ne sont pas vraiment tortillards. On en retrouve également en Lorraine sur les traces de St Basle.
Gentilhomme limousin né en 555, Saint Basle évangélisa la Lorraine en compagnie de Saint Rémi. De nombreux villages portent son nom, tels que Dombasle. Par la suite, il se fit ermite à Verzy et vécu dans une grotte. Ses restes sont conservés dans une châsse de l'église de Verzy.
La légende dit que le Saint aurait planté un Faux partout où il aurait porté la bonne parole. De ce fait trois villages portant son nom possèdent un Faux. Mais même s'il est très difficile de donner l'âge de ces arbres à cause des circonvolutions de leur tronc, il est peu probable qu'ils remontent au VIe siècle. On estime au maximum à huit ou neuf cents ans l'âge des arbres les plus anciens. Cette estimation a été réalisée à partir de cartes postales ou d'observations effectuées au siècle dernier. A partir de la croissance observée sur un siècle, on en à déduit la croissance moyenne d'un arbre, sachant que l'arbre jeune grandit plus vite.
Les moines de Verzy ont remarqué la croissance curieuse de ces arbres. Ils ont favorisé leur développement car ils les trouvaient jolis. Certains même jugeaient que leur forme était due à une intervention divine. Mais à une autre époque, ils furent considérés comme portant la malédiction des brigands qui sévissaient à Verzy. Ces moines, donc, les regroupèrent en un jardin botanique de 600 mètres par 300. C'est dans cet espace que l'on trouve à la fois les spécimens les plus anciens et les plus jeunes.
Tout cela n'explique pas la raison de cette mutation qui d'ailleurs n'est pas propre au hêtre. Quelques chênes, châtaigniers et un charme présentent les même caractéristiques. Pendant longtemps, on a pensé que la richesse en fer du terrain était la cause du phénomène ou encore que les eaux souterraines abondantes y étaient pour quelque chose. En effet, même en période de grande sécheresse, les racines sont toujours irriguées. Une fontaine non loin appelée fontaine Restitute donne toujours de l'eau. Celle-ci est très claire ou trouble sans intervention de surface. Des équipes spéléologiques ont tenté de remonter les rivières souterraines et ont finalement atteint un important siphon impossible à passer sans un long pompage.
Finalement, la théorie la plus admise serait qu'une météorite aurait contaminé le sol en des temps anciens ; sachant que de nos jours, le sol ne présente aucune trace de radioactivité. Une autre théorie propose que des virus soient à l'origine de cette mutation. Quoi qu'il en soit, l'origine des Faux reste un mystère.